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Au Guatemala, l’association Bio-Itzá fait renaître le lien perdu des Mayas Itzá avec la forêt

A l’occasion d’un voyage au Guatemala, je me trouve avec trois amis dans le nord du pays, pour visiter les fameuses ruines mayas de Tikal. Lors d’une discussion avec un habitant du village de Flores, nous entendons parler de l’association Bio-Itzá, fondée par des habitants d’un village qui cherche à sauver leur forêt, la culture et la langue héritées de leurs ancètres Mayas Itzá. L’homme nous propose de nous y emmener car il connaît le fondateur et directeur de l’association avec qui nous pourrions discuter. Nous nous rendons donc à San José, un petit village tranquille (2000 habitants), sur les berges du lac Petén, entouré de forêts tropicales et de ruines Mayas. C’est dans leur maison qui sert aussi de centre pour l’association que nous rencontrons Reginaldo Huex, fondateur et directeur de l’association et son fils Aderito Huex.



La perte de la forêt engendre la perte de la culture Maya Itza


Les derniers descendants des Mayas de la forêt de Péten, voient la forêt disparaître, tout comme ses arbres, ses plantes, les animas de ses terres et l’eau. Notre langage Maya disparaît aussi, ainsi que les traditions de nos grands parents. La forêt meurt, les animaux meurent, et nous mourrons aussi. Pour vivre, nous avons besoin de la forêt, et la forêt a besoin de nous. Nous devons prendre soin de la forêt et la forêt doit prendre soin de nous, car nous sommes des partenaires du jaguar, les maîtres de la forêt ; partenaires du ara, symbole des Mayas ; partenaires du tapir, animal à sept peaux ; partenaires du mahogany, arbre de nos barques ; partenaires de l’arbre de Ramon, nourriture de nos ancêtre Mayas ; partenaires de la fumée de l’arbre de Copal, esprit de nos ancêtres Mayas. Ensembles, nous faisons d’un bout de forêt notre maison, terre des Mayas Itzá, sur les berges du grand fleuve Itzá de San José, où il fut un temps vécu Kan Ek, le dernier roi Maya.

-Reginaldo Chayax Huex , Directeur de l’Association BioItzá


Aderito nous explique en quoi la déforestation met en péril la culture Maya Itzá, très liée à la forêt. Traditionnellement, l’agriculture Maya Itzá est limitée à un peu de maïs et de haricots ; la culture des produits de la forêt, la sylviculture, est la plus importante. Dans les années 60, de nombreux hectares de forêt ont été rongés par l’agriculture chimique irraisonnée et l’élevage. « Les habitants de San José, on cédé aux sirènes de l’agriculture moderne qui leur promettait profit, productivité et facilité en leur vendant des produits chimiques à bas coût » nous raconte Aderito. Et il continue en disant : « ils se sont rendus compte par la suite, qu’il ne s’agissait que d’un leurre et qu’ils sont maintenant les victimes d’un système capitaliste qu’ils nourrissent sans en tirer profit : achat de fertilisants, pesticides et graines hybrides qui les enferment dans un cercle, les obligeant à acheter toujours toujours plus pour faire face à l’appauvrissement des sols. Ils perdent même par rapport à la situation antérieur car ils se retrouvent désormais sans la seule garantie de prospérité à long terme : la terre ». Leurs ancêtres l’avaient bien compris et la protégeaient. Selon Aderito : « Tout cela résulte d’un manque d’éducation, de conscience qui sévissent dans cette région pauvre du Guatemala ».

On peut aussi évoquer le désastre pour la culture Maya Itzá provoqué par une loi de 1971 qui imposait à tout propriétaire d’une parcelle de terre de la déboiser pour y prouver son droit dessus. Cela a été exigé pour y imposer la culture du bétail qui va de pair avec la déforestation. Cette loi a entraîné en outre, de fortes migrations.



Un projet qui cherche à sauver la forêt mais pas sans la langue Maya Itza ni la culture

L’association Bio Itzá est née en 1991, dans l’objectif de protéger et d’administrer une réserve de 3600 hectares de forêt au Nord du village de San José. L’association promeut aujourd’hui l’usage durable des ressources et l’éco-tourisme. Il est possible de séjourner dans des cabanes situées dans la réserve et d’y observer la faune et flore sauvage. L’association accueille aussi des volontaires pour aider les gardiens de la réserve dans leur travail.

Reginaldo nous explique que la reforestation est très lié au fait de vouloir sauver la culture Maya Itzá et en particulier « un des éléments forts de notre culture qui consiste à se retrouver, partager un moment dans la nature sans la détruire ».

D’ailleurs, un autre projet lancé par l’association en 1996 par un groupe de 60 femmes Mayas Itzá de San José, vise a préserver la connaissance sur la culture et l’usage traditionnel des plantes médicinales. Le groupe cultive un jardin de plantes médicinales qui leur permet ensuite d’élaborer différents produits comme des savons, des shampoings, des crèmes qu’ils vendent. Le jardin contient plus de 50 espèces de plantes médicinales et le groupe a référencé plus de 40 recettes à base de plantes. Les volontaires peuvent venir aider à la culture et à la transformation des plantes en produits. Les recettes de la vente permettent de préserver ces pratiques ancestrales des Mayas Itza. La connaissance de ces femmes prouve à quel point les Mayas Itzá vivaient de la forêt et de ses ressources, de manière durable, gratifiante et respectueuse, en sachant se limiter à leurs besoins essentiels.

Par ailleurs, l’association Bio-Itzá cherche aussi à sauver la langue Maya Itzá qui n’était plus parlée au moment de la création de l’association que par une vingtaine de personnes. Reginaldo nous raconte comment avec des linguistes venus du monde entier, ils entreprirent un travail de réécriture de l’alphabet Maya Itzá. Cela a permis un enseignement de la langue à tous les enfants de San José quelques heures par semaine. On peut d’ailleurs souligner, que l’apprentissage d’une langue nous enseigne aussi beaucoup sur la manière de concevoir le monde et donc de s’exprimer. Culture et langue sont intrinsèquement liées.




Des difficultés de gestion et un impact à nuancer sur la communauté

Pour la réserve, l’association doit faire face à la bureaucratie du Conseil National des Aires protégées (CONAP) qui va souvent à l’encontre de la logique de l’association. Par exemple, pour couper des arbres, le CONAP impose un calendrier, qui ne correspond pas à celui de l’association qui se base sur l’observation ancestrale des astres. Il n’y a pas de système spécial pour les espaces gérés par des populations indigènes. Par ailleurs, un autre problème de gestion est lié au fait que le corridor biologique (un ou des milieux reliant fonctionnellement entre eux différents habitats vitaux pour des espèce ou des populations)auquel appartient la réserve : la biosphère Maya est immense, couvre une partie du Guatemala et du Mexique. Manon qui effectue son stage sur les corridors biologiques au Costa Rica souligne que la gestion plus locale au Costa Rica permet au système d’être plus efficace.

En outre, bien que le projet ait un grand impact sur la communauté et particulièrement les jeunes qui se rendent compte de l’importance de préserver la culture transmise par leurs ancêtres et la responsabilité que nous avons à protéger la forêt, la majorité des jeunes ne s’intéressent pas au projet, nous explique Aderito.

Quand au projet linguistique, il est aujourd’hui en déclin à cause du manque de connaissance de la langue des nouveaux professeurs. En effet, suite à une décision du gouvernement l’association s’est vue obligée de contracter des professeurs issus de l’université et non des descendants de mayas, sans titres académiques, qui pourtant ont une maîtrise bien plus grande de la langue.




Nous avons beaucoup à apprendre de la cosmovision Maya

Durant notre voyage, nous en apprenons plus sur la cosmovision Maya et en quoi cela influence leurs pratiques agricoles. Lors de notre visite du site Maya de Tikal, un guide nous explique que les agriculteurs allaient consulter les auspices pour savoir quand planter, quand arroser, récolter etc… Les auspices, observaient les mouvements de la lune et les astres et se basaient sur ces observations astrologiques pour expliquer leurs conséquences sur la terre, les plantes. Il y avait également une attention particulière portée à la qualité des sols et de nombreux rites avant de planter les graines notamment.

Mathilde, qui étudie l’agronomie en France, fait par ailleurs un parallèle entre pratiques mayas et agriculture biodynamique. Les agriculteurs qui travaillent en biodynamie ont recours à des préparations biodynamiques pour nourrir mais aussi régénérer la terre et prennent en compte les influences de la Lune et des autres planètes. La biodynamie est de plus en plus développée en France, notamment dans la viticulture. Le label Demeter certifie les agriculteurs en biodynamie. Nous ne savons pas si cette agriculture est inspirée des pratiques qui découlent de la cosmovision Maya, il nous faudrait chercher de manière approfondie d’où vient ce courant de l’agriculture, toutefois le parallèle est intéressant. Nous avons beaucoup à gagner à essayer de comprendre la perception des Mayas de la nature et du partenariat qu’ils établissaient avec elle. Loin de la vision moderne, de la domination de la nature par l’homme, les Mayas semblaient avoir compris que l’homme en cherchant à préserver la nature, se préserve lui aussi.




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