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Incredible Edible à Cloughmills : le jardin partagé qui aide à la réinsertion sociale

Pour trouver ce jardin partagé, il faut quitter Belfast et s’enfoncer dans la campagne nord-irlandaise, celle précisément que l’on imagine lorsqu’on pense à l’Irlande : des prairies vertes parsemées de troupeaux de moutons, le ciel gris et le bruine, et bien sûr l’accent à couper au couteau. La petite ville de Cloughmills tombe précisément dans ce cliché. J’y vais d’ailleurs avec une de mes collègues de travail qui connaît bien la région, et se prête volontiers au rôle de traductrice si besoin. Nous y retrouvons Patrick Few, l’initiateur du projet, autour de tasses de thé Earl Grey, dans une petite cabane de jardin qui craquelle sous le vent – oui, les clichés, c’est tout ou rien.

 

Un jardin né d’une volonté et d’un besoin populaire

Le jardin partagé de Cloughmills surprend encore les passants et les visiteurs. Pour beaucoup, l’ancien village industriel de 1300 habitants a toujours l’image d’un hameau en dépeuplement, tiraillé entre les villes de Ballymoney au nord et Ballymena au sud. Et pourtant, en acquérant le titre d’ « Incroyables Comestibles », le jardin partagé a gagné en visibilité. Aujourd’hui situé sur le terrain inoccupé de l’ancienne industrie textile, le jardin attire des groupes et des communautés de nombreuses villes alentours, tous intéressés par des ateliers d’horticulture ou de « thérapie sociale ».

Tout en préparant le thé, Patrick, l’un des fondateurs du projet, revient sur l’histoire du jardin. « , se souvient-il. » Victime de son succès, le jardin devient vite trop petit. « Le petit groupe à l’origine du projet, la , a même obtenu des financements de la loterie nationale, qui leur ont permis d’installer plusieurs parterres surélevés, mais aussi un poulailler, deux serres, un espace pour enfant, et une yourte.

Inspiré de la ville comestible de Todmorden que la a visité, et d’un jardin en permaculture des environs – « , » – le jardin de Cloughmillsconserve toujours une mission particulière qu’elle s’est donnée dès les débuts : favoriser les relations sociales, lutter contre l’isolement et les comportements antisociaux, ainsi qu’encourager à une alimentation plus saine.

Une mission sociale avant tout

Bien qu’ouvert tous les jours et dépourvu de barrières et de cadenas, le jardin partagé de Cloughmills est essentiellement utilisé les week-ends avec la venue de groupes communautaires des villages environnants. C’est l’occasion pour eux de se réunir pour aider au jardin, ou participer à des ateliers d’art manuel chapoté par Patrick. Plus qu’un passe-temps, ces réunions participent d’une vraie mission sociale. « explique Patrick.

La production de légumes n’est alors pas l’objectif, mais un moyen pour ces personnes en difficulté de « ». Venir au jardin leur permet de changer leur routine, de nouer une discussion plus facilement. « » renchérit Sandra, l’une des membres de l’équipe organisatrice. Et les effets sont visibles. Patrick se souvient d’une femme qui est venue au jardin partagé de Cloughmills pendant 6 semaines. « Mais Patrick admet qu’il est difficile d’évaluer précisément les effets du jardin sur les communautés qui utilisent le jardin. Souvent, il perd contact avec les personnes qui avaient l’habitude de venir.

Néanmoins, Patrick est fier de la diversité des groupes qui viennent au jardin partagé. « ». En fonction de ces groupes, l’équipe du jardin partagé a aussi développé des activités très différentes, allant de cours de jardinage à des feux de camp, en passant par des ateliers de cuisine ou des initiations à la permaculture.

Les difficultés de la création d’une « ville comestible »

Arriver à ces résultats n’a pas été chose aisée, et ne fait pas oublier un problème essentiel : la difficulté à recruter des bénévoles sur le long-terme. « Pendant la semaine, nous ne sommes que cinq, et nous avons souvent beaucoup de travail » admet Patrick. Cette difficulté à mobiliser cache un problème sous-jacent, celui de sensibiliser les citadins à une nourriture plus saine, produite sur place. La raison de ce désaveu est l’objet d’un débat entre les membres de l’équipe. Pour Mikael, « les gens sont juste trop paresseux, ils veulent que tout soit déjà prêt et cuisiné, et peu cher! ». Patrick évoque lui un problème d’éducation : « beaucoup ne savent pas comment cuisiner ces légumes, ni comment les faire pousser ». Quant à ma collègue Heather, elle met en avant un problème de génération : « La vieille génération n’avait pas peur de salir ses mains, c’est moins le cas pour la nouvelle génération. »

Transformer Cloughmills en ville comestible est donc un challenge que l’équipe du jardin partagé n’a pas (encore) réussi à mettre en œuvre. Pour l’instant, le projet reste concentré sur l’ancien terrain industriel du village. « Nous avons essayé de planter des légumes et des herbes dans des parterres sur les trottoirs, mais les gens sont très méfiants. Ils n’osent pas se servir gratuitement, ou alors ils trouvent que c’est dégoutant d’avoir des fraises si proches de la route ! » déplore Patrick. Quand ils ne sont pas donnés, les légumes produits sont alors vendus ou utilisés lors des ateliers cuisine.

L’une des solutions que Patrick a aussi trouvé pour sensibiliser les urbains à des légumes de meilleure qualité, c’est encourager à produire ses propres légumes à la maison, en proposant des cours d’horticulture. Pour autant, rien n’est assuré, et Patrick en est conscient.

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