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A Curridabat, le jardin communautaire de la Paroisse Sociale permet de lutter contre la solitude des

C’est depuis la fenêtre de verre du quatrième étage de la municipalité de Curridabat -un des cantons de la capitale du Costa Rica : San José– où je réalise un stage, que j’aperçois le jardin communautaire. Parmi les toits de tôle, les embouteillages permanents, le jardin me paraît comme un poumon vert au milieu de la ville. Mon collègue m’explique qu’il s’agit du jardin communautaire de la Paroisse Sociale de l’Eglise Catholique et qu’il est destiné aux personnes âgées. Un jeudi matin, ma curiosité me pousse à m’y rendre. Lorsque j’arrive dans le jardin, je vois six personnes affairées à nettoyer le sol, à désherber, à arroser ou encore à discuter. Par chance, le jeudi est l’un des deux jours de la semaine où les volontaires se réunissent. Ceux-ci m’accueillent avec de grands sourires et de quoi manger. Je comprends alors qu’ici, la convivialité est centrale. En parlant avec eux, je me rends compte que c’est avant tout l’engagement religieux et social des organisateurs qui permet au jardin de fonctionner et de lutter contre la solitude des personnes âgées.

L’idée de Doña Lili, membre de la Paroisse Sociale de l’église catholique de Curridabat.


Je cherche tout d’abord à connaître l’histoire du jardin. C’est Lilia ou Doña Lili, une des chargés du groupe, qui m’explique que « le jardin fait aujourd’hui partie d’un projet plus large de la Paroisse Sociale qui vient en aide à un groupe de quinze personnes âgées, en leur offrant des repas mais aussi des activités comme des petits voyages ou l’organisation de Bingos (lotos) ». Mais le jardin communautaire n’est pas vraiment né de l’institution religieuse, c’est Doña Lili elle-même qui en a eu l’idée. Celle-ci me raconte que « un dimanche, alors que je me trouvais au Marché Naturel de Curridabat, j’ai rencontré Patricio, qui est ami de ma fille et travaille à la Municipalité de Curridabat, il m’a parlé des jardins communautaires, je me suis alors dit qu’il fallait en faire une pour les personnes âgées du canton ». Comme elle fait partie des encadrants du programme pour les personnes âgées de la Paroisse Sociale, Doña Lili s’est dit que c’est par ce biais qu’elle allait lancer le projet. Cela lui permet en effet de s’entourer de personnes motivées à mener des projets pour aider la communauté et d’avoir accès à des ressources matérielles comme du bois, des graines, des outils, entre autres. La municipalité les a aidé à commencer, en leur proposant un terrain, -un lieu où les gens avaient l’habitude de venir jeter leurs ordures- en les aidant à le nettoyer et en les mettant en contact avec un agronome qui les a accompagné au début. Aujourd’hui, le jardin semble bien fonctionner, l’abondance des plantes en atteste. Grâce à la vente de plantes, les volontaires pourront bientôt dire que leur jardin est auto-suffisant grâce au revenu généré qui leur permettra de couvrir les coûts de l’achat de graines, de matériel, entre autres. Je suis impressionnée de leur réussite en seulement un an. Je comprends ensuite que cela est dû à l’engagement des volontaires pour la paroisse et leur volonté d’aider les personnes âgées.


L’engagement religieux et social des participants, la raison d’être du jardin communautaire


Quand je demande aux différents accompagnateurs du groupe de volontaires, comment et pourquoi ils viennent aider au jardin, ils me répondent tous que c’est par le biais de la paroisse sociale, dont ils font partie. C’est donc d’abord par sens du service à leur paroisse qu’ils sont ici. Mais au-delà de la dévotion, tous me disent que pour eux, le jardin est aussi un moyen de faire quelque chose pour venir en aide aux personnes âgées du canton. « Ici, il y a beaucoup de vieilles personnes qui vivent dans des conditions très précaires, ont très peu de ressources économiques et surtout, sont très seules. Comme elles n’ont pas d’argent pour se payer des voyages et que l’offre d’activité pour cette classe d’âge est très réduite, elles passent la majorité de leur temps à la maison » , me confie Marta, une autre accompagnatrice. Le but de ce jardin est donc surtout social, « on veut créer un sentiment de communauté, en leur offrant un espace où ils peuvent se retrouver entre eux », souligne Doña Lili. Le jardinage est finalement une excuse pour créer du lien social. Elle me confie même que leur objectif n’est pas écologique, mais social et religieux. Par ailleurs, même si le jardin n’est pas réservé aux catholiques, c‘est par l’église catholique de Curridabat, dont dépend la Paroisse Sociale que la majorité des personnes âgées volontaires arrivent au jardin. Don Miguel et Doña Vicky, deux des volontaires présents ce jour-ci me le confirment : « c’est le prêtre qui nous a parlé du jardin ». Cela atteste de l’importance des institutions religieuses dans la vie de la population au Costa Rica. Les personnes, surtout d’âge avancé, chrétiennes : catholiques ou protestantes, fréquentent largement une église et participent aux programmes sociaux proposés. Cette dévotion, fait que les accompagnateurs prennent leur rôle à cœur, et cela se remarque dans l’énergie et le traitement qu’ils portent aux personnes âgées volontaires.


Un défi : faire en sorte que les personnes âgées se sentent bien au jardin


Doña Lili m’explique en quoi leur rôle d’accompagnateur est important : « on fait en sorte qu’ils se sentent bien accueillis, en leur offrant de quoi manger, se désaltérer et partager un moment convivial ». « On les connait tous par leur nom, comme dit Dieu à Moise dans la Bible : ‘je te connais par ton nom’ », plaisante-t-elle. Par ailleurs, pour eux, il est important de souligner que le jardin doit permettre aux volontaires de se sentir utiles, qu’ils coopèrent réellement. Pour cela, le jardin et les tâches sont adaptés à leur âge. Quand j’observe autour de moi, je me rends compte qu’il y a par exemple des bacs surélevés qui permettent d’éviter la position penchée ; toutefois, je vois Don Jorge donner des coups de pelle énergiques dans la terre, puis monter sur une chaise pour accommoder la toile qui protège les bacs de plantes et une autre volontaire balayer le sol avec entrain. Leur âge semble loin de les freiner et je remarque leur motivation à travailler au jardin.


Un impact tangible sur les personnes âgées qui participent au jardin


Je discute avec les personnes âgées volontaires, pour chercher à savoir quel impact le jardin a dans leur vie. « Les tâches qu’on me donne à réaliser me permettent de garder un esprit vif. Aussi, j’adore ramener des légumes à la maison, être fière de les cuisiner.», me confie Doña Vicky, alors qu’elle coupe des feuilles de brocoli pour les mettre au compost. Je comprends alors ce que Doña Lili insinuait en disant que les accompagnateurs cherchaient à ce que les volontaires se sentent utiles. Doña Vicky n’emmène soudain voir la partie basse du jardin, -une touche de verdure alors que de l’autre côté, les camions et voitures inondent l’espace urbain en permanence- je sens la fierté dans ses paroles : « regarde, on a de tout : du kale, des courges, de la yuca, du poivron ». Elle ajoute : « Cela me rend plus heureuse, je viens deux fois par semaine. Ce que j’aime aussi, c’est rencontrer des nouvelles personnes, aujourd’hui on est peu, il faut que tu viennes le lundi, il y a plus de monde, parfois on est jusqu’à quinze personnes ! ». Le lien social est donc en effet fondamental. Elle se met à interpeller Don Miguel, absorbé par sa tâche en évoquant des anecdotes de voyages en mini bus que la paroisse organise pour eux. Celui-ci s’arrête de travailler pour venir discuter et me parle, à son tour, des raisons qui l’amènent ici : « déjà enfant, j’adorais les plantes, c’est quelque chose qui a été important pour moi durant toute ma vie. Je viens aussi parce que je veux coopérer avec ma paroisse, cela fait cinq ans que je la sers et pour moi, cela aussi est très important ». La religion fini toujours par revenir dans la conversation, je comprends à quel point elle est centrale pour eux.


Pour les volontaires, c’est grâce à Dieu que le jardin fonctionne si bien


La foi est très présente dans le discours des participants au jardin. Ils attestent tous du fait que la bénédiction de Dieu leur a permis de ne pas subir de vols de plantes et de matériel et de ne pas rencontrer de problèmes économiques, « Dieu nous protège », me disent-ils d’une même voix. Pour moi, c’est surtout grâce à leur volonté et leur persévérance -qu’ils tirent en partie de leur dévotion à l’Eglise- et leur sens du service à la paroisse et à la communauté, que le jardin fonctionne si bien. Toutefois, je dois admettre qu’ils ont beaucoup de chance, lorsqu’un homme entre par hasard, avoue qu’il cherchait en réalité un centre social, mais qu’il tombe bien, puisqu’il est agronome et pourrait les aider gratuitement en leur donnant des cours d’hydroponie. En quelques minutes, ils échangent déjà leurs contacts et remercient Dieu de leur avoir envoyé cet homme. Ce genre de scènes, j’en ai vécu de nombreuses, ici, au Costa Rica. Cela me fait sourire, les gens cherchent toujours une explication spirituelle ou religieuse, plutôt que rationnelle à ces événements. Ils voient un signe de Dieu ou du destin à ce qui seraient pour la majorité des français, de simples hasards de la vie. Qui aurait cru que visiter un jardin communautaire m’amènerait à parler de religion … je me trouve bien au Costa Rica.



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