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Sănătate Urbană by Claire, l’ONG pour reconnecter les urbains à leur environnement local

A 39 ans, Claudia est l’initiatrice de l’association Sănătate Urbană à Târgu Mures. Si l’organisation qui a le statut officiel d’ONG est toute jeune – fondée il y a quelques mois, les initiatives et événements communautaires ont déjà commencé à fleurir en ville. Community brunches, marché de semis et jeunes plants ou club de permaculture : ces événements sont une première pour le chef-lieu du comté de Mures. Rencontre avec Claudia.



A l’origine du projet, des rencontres et des voyages


Dès que je rejoins Claudia dans le petit café à l’ambiance feutrée où elle m’a donné rendez-vous, j’ai tout de suite besoin qu’elle me rappelle dans quels projets elle est impliquée. Ce n’est pas la première fois que je rencontre la jeune femme de 39 ans: elle m’avait aidée dans le projet de paniers de légumes avec un producteur local (lien) et un atelier de bombes de graines. Personnellement, j’avais participé à des événements auxquels elle m’avait invitée. Je les énonce à nouveau en demandant confirmation : le Club de Permaculture, le marché des semences libres, la randonnée organisée en montagne, la projection d’un documentaire dans un café... « Oui c’est nous qui avons organisé cela ! » sourit-elle.


« Nous », c’est les trois membres fondateurs de l’association : elle-même, son compagnon Imre, et sa sœur Mirela qui vit à Cluj-Napoca. C’est de leurs trois noms qu’est tiré celui de l’organisation : Sănătate Urbană by ClaIre. Même s’ils n’ont pas d’autres adhérents, ils travaillent avec beaucoup de partenaires : des producteurs locaux, des amis, des membres d’autres associations d’autres villes.


Ce réseau de relations explique pourquoi beaucoup d’événements qui sont organisés sont inspirés d’initiatives élaborées dans d’autres villes. Claudia a aussi beaucoup voyagé en Roumanie, mais aussi à l’étranger, notamment en Belgique. A Sibiu (Comté de Sibiu, Roumanie) où elle a vécu deux ans, elle a commencé à s’intéresser aux marchés de producteurs. « Là-bas, il y avait tellement d’événements avec des fermiers locaux, tellement d’opportunités pour acheter local. Quand je suis arrivée à Târgu Mures, ça m’a beaucoup manqué. Ici, il n’y pas autant d’événements ». Elle a initié le Club de Permaculture en mars dernier après avoir rencontré un adepte de la pratique à Reghin (Comté de Mures). « Après quelque temps, il est devenu assez occupé avec un autre projet, mais je voulais continuer le Club. J’ai alors rencontré un Suisse qui faisait de la permaculture ici en Roumanie. Il a tout de suite voulu m’aider dans cette initiative ! » se souvient-elle.

Une association pour mettre en commun projets et initiatives


Sănătate Urbană by Claire permet à des initiateurs de projets locaux, des personnes intéressée par une alimentation plus saine pour leurs enfants, des producteurs locaux désireux de vendre leurs produits, ou encore des adeptes de la permaculture, de se retrouver sur des projets communs et de tisser des liens pour mieux s’entre-aider. C’est ainsi que Claudia, via l’association, a relayé un projet de construction d’une mare dans un jardin en permaculture, ou encore une collecte de déchets organiques pour fabriquer du compost dont ont besoin certains producteurs.


Les initiatives sont multiples, mais toutes guidées par le désir de créer un esprit de communauté en reconnectant les urbains entre eux, avec la nature et une alimentation locale et organique. « Il y a tellement de personnes qui vivent en ville et sont complètement séparés de la nature et de modes de vie plus sains. J’ai pensé que je pouvais initier des projets pour les encourager à vivre de manière plus durable » explique Claudia, une tasse de thé dans la main. La promotion de produits locaux, l’organisation d’excursion en forêt, de rencontres communautaires, le soutien aux producteurs de la région et aux projets alternatifs pour apprendre à mieux utiliser et respecter les ressources naturelles sont pour Claudia des outils pour vivre mieux avec les autres et l’environnement.


C’est de cette volonté par exemple que sont nés les brunchs communautaires qui permettent aux producteurs locaux et aux consommateurs de se rencontrer pour profiter d’une matinée à discuter et à partager sur les initiatives existantes. Le dernier rassemblement était l’occasion de faire connaître les paniers bio de János, les fromages d’un producteur local, mais aussi les initiatives d’une association environnementale, et les projets du Club de permaculture.




Un engagement personnel et citoyen


Pour Claudia, l’engagement associatif n’était pas une évidence, ou du moins jusqu’à récemment. Biologiste, elle a travaillé 10 ans dans un laboratoire médical, puis pharmaceutique. « J’ai toujours voulu faire quelque chose pour aider les gens. J’ai pris conscience, en travaillant en laboratoire, que l’industrie pharmaceutique ne travaillait pas pour les gens. Ça a été difficile de démissionner, parce que j’avais un bon salaire, mais je ne pouvais plus faire de choses dans lesquelles je ne croyais pas », avoue Claudia.L’association est autant un défi pour elle, celui de « faire quelque chose que j’aime vraiment et d’en vivre », que l’engagement de « promouvoir des producteurs et des projets locaux pour reconnecter les urbains entre eux et avec les ruraux »


Cet engagement demande des moyens qui apparaissent moins faciles qu’elle ne le pensait. Financièrement, elle s’appuie sur des fonds propres, mais si elle sait qu’elle ne pourra pas se reposer là-dessus indéfiniment. « Je recherche des appels à projet, pour faire de l’association une structure soutenable à long-terme. » explique-t-elle. Ce dont elle a été surprise toutefois, c’est de la solidarité dont elle a pu bénéficier. Pour le projet « Pay it Forward Week », une semaine de rencontres, d’ateliers pour les enfants et de projection de films organisée autour du film Pay it Forward, Claudia m’explique qu’ils ont reçu gratuitement 90% des fonds : « Les gens nous ont offert les produits ou les services ! C’est un parfait exemple qui montre que des gens que tu ne connais pas peuvent t’aider énormément ! reconnaît-elle. J’ai beaucoup reçu de la part d’étrangers, maintenant je veux les aider à mon tour ». Le film choisi pour animer la semaine, qui met en scène un jeune garçon mettant au point une stratégie pour ‘changer le monde’ – aider trois personnes sans rien attendre en retour si ce n’est leur demander d’aider trois autres personnes à leur tour – est assez éloquent.


Un message et des problématiques encore difficiles à diffuser


Malgré sa motivation et son enthousiasme, Claudia n’a pas échappé aux déconvenues. Elle m’avoue que mobiliser les personnes à Târgu Mures n’est pas si facile. « Je vois vraiment la différence par rapport à Sibiu. Ici, les gens sont moins nombreux à se mobiliser. Ils te disent souvent qu’ils sont intéressés, que tu as de bonnes idées, mais finalement, peu de personnes viennent aux événements ». Ce manque d’engagement résiderait aussi dans la mentalité d’un pays qui est sorti du communisme il y a maintenant 30 ans et qui présente toujours l’un des taux de pauvreté les plus élevés d’Europe. « Ici, j’ai l’impression que l’on est moins conscient que nos petites habitudes ont un impact sur notre environnement, sur le climat, sur les gens autour de nous » admet-elle.


Il est vrai que le discours environnementaliste n’est pas prioritaire. A Târgu Mures, la plupart des associations ont une visée sociale avant d’être écologistes. Et il faut bien l’avouer, les marchés locaux, les produits biologiques, le soutien aux paysans traditionnels ou aux projets de permaculture font figure de préoccupations pour ceux qui ont les moyens et qui sont déjà convaincus. Claudia est consciente de souvent brasser les mêmes personnes dans les différents projets qu’elle a organisé : « les personnes qui viennent recherchent un mode de vie plus simple, refusent le consumérisme. Souvent ce sont des personnes qui ont voyagé à l’étranger quelques années, qui ont des enfants et veulent les nourrir plus sainement, ou qui veulent de nouvelles approches pour le pays ».


Une autre difficulté pointée par Claudia est celle de la langue. Non pas qu’elle ne la maîtrise pas – au contraire, elle en parle presque quatre, mais que faire le choix du roumain ou du hongrois dans une ville où les deux communautés représentent respectivement 50% de la population a toujours des conséquences. Et le choix se pose dès la publication d’un événement sur Facebook. « Si tu écris en hongrois, les Roumains se sentiront tout de suite exclus. C’est peut-être un peu moins le cas pour les Hongrois quand l’événement est écrit en roumain. Parfois je mets des publications en anglais, mais on m’a fait remarquer plusieurs fois que certaines personnes ne comprenaient pas. »


Pour Claudia, la mixité des deux communautés n’est pas un problème en soi, même si en pratique les événements restent souvent cloisonnés autour d’une communauté. A titre d’exemple, le Club de Permaculture est essentiellement roumain même s’il est ouvert à toutes les communautés; les paniers de légumes bio de János sont eux, principalement achetés par des Hongrois. L’anglais, même si pas pratiquée par tous, est souvent une manière déguisée de dépasser le clivage. Claudia utilise ainsi généralement le nom anglais de l’association – Urban Health by Claire. Même en changeant de langue, le défi reste le même pour Claudia : celui de lancer des projets de plus grande envergure et de parvenir à rassembler davantage autour des préoccupations environnementales et alimentaires.

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