top of page

Visite de la Earth University au Costa Rica, une université qui sort des sentiers battus de l’agricu

  • Pauline
  • 9 mai 2017
  • 9 min de lecture

Dès mon arrivée au Costa Rica, j’ai entendu parler de la Earth. L’université se trouve à Siquirres entre San José et la côte caraïbe. C’est sur un campus de 3000 hectares que viennent étudier 400 jeunes venus du monde entier, plus particulièrement d’Afrique et d’Amérique Latine, pour se former durant 4 ans à devenir des acteurs de l’agriculture de demain et sortir leurs pays de la pauvreté.



Tout commence par une rencontre


Il est assez difficile de visiter la Earth, il faut connaître un étudiant qui puisse faire une demande auprès de l’institution pour que la visite soit acceptée. Lorsque j’apprends que l’université va être ouverte au public durant un weekend, je saisie l’occasion pour m’y rendre. Le but de cet événement est de mettre en avant les plats typiques des différents pays d’origine des étudiants pour récolter des fonds afin qu’ils puissent inviter leurs familles. L ‘événement est entièrement organisé par les étudiants et certains présentent même des projets qu’ils mènent au sein de l’université. C’est ainsi que j’ai connu Obed, qui vendait ses confitures et son muesli bio sur un petit stand. Nous restons en contact et il me propose de voir avec l’administration si il est possible de me faire visiter le campus.


C’est ainsi qu’un mois plus tard, nous nous retrouvons de nouveau à la Earth, cette fois pour visiter l’ensemble du campus : des zones de production aux les installations. Obed m’explique : « Nous prenons les vélos pour nous déplacer car que le campus est neutre en émissions de gaz carboniques. Ici on ne croise que des piétons, des cyclistes et quelques véhicules électriques. Par ailleurs, l’électricité est produite à partir de sources renouvelable, par des panneaux solaires surtout mais aussi des bio digesteurs ». Il me décrit le programme de la journée : « J’ai sélectionné quelque uns des espaces cultivés de l’université, les plus intéressants selon moi. Nous nous rendrons en premier à la zone de production bio et intégrale, la FIO (Finca Integral Orgánica), nous visiterons ensuite la zone de culture périubaine et pour finir la zone d’élevage. Chaque zone a sa particularité, est un monde en soit, nous allons voir avec quelle zone tu as le plus d’affinité ». Nous emrpuntons donc la grande allée principale de l’université, à l’herbe fraîchement tondue et aux arbres parfaitement alignés, reflétant l’objectif d’excellence de l’université, puis nous débouchons sur des petits chemins de terre qui nous mènent à la première zone.





De nombreux espaces dédiés au travail de terrain


Obed me fait remarquer qu’aujourd’hui est un jour spécial car les étudiants se trouvent en vacances. Ainsi, normalement, les différents espaces cultivés sont remplis d’étudiants travaillant, discutant. La formation est tout aussi théorique que pratique. Le fait que les étudiants se rendent régulièrement sur le terrain est une des particularités de la Earth par rapport à d’autres universités classiques.


​La FIO (Finca Integral Orgánica), zone d’agriculture biologique et intégrale.


Lorsque nous arrivons à la FIO, Obed m’explique « Ici le défi est de trouver des substituts naturels aux produits chimiques utilisés en agriculture conventionnelle. Cela peut se réaliser en pensant de manière intégrale : pour ne pas avoir à dépendre de l’achat d’intrants extérieurs, il s’agit de penser de manière circulaire en intégrant des éléments naturels disponibles directement sur place, par exemple en transformant les déchets végétaux et animaux en intrants pour la terre et pour la nourriture des animaux ».

De cette manière, sont cultivés dans cette zone une variété incroyable de plantes : cacao, arbres fruitiers, herbes aromatiques, légumes … C’est l’occasion pour moi de goûter de nouveaux fruits, comme cette petite baie rouge qui donne un goût plus sucré aux aliments.

Il y a aussi un espace dédié aux animaux : vaches et poules. Comme tout est pensé de manière circulaire, intégrale dans cette zone, ceux-ci sont nourris grâce aux plantes directement cultivées sur place, ce qui permet à leur alimentation d’être diversifiée et saine. En plus de l’alimentation, il existe une attention particulière portée au bien être des animaux qui peuvent profiter d’espace en plein air et qui ne se méfient pas de l’homme.


Je peux également constater en quoi la ferme fonctionne de manière circulaire lorsque que nous passons à l’espace dédié au compost. Les déchets organiques issus de la production et les excréments des animaux, peuvent être réutilisés de manières très diverses. Ici, rien ne se perd, tout se transforme car ils servent ensuite d’engrais pour enrichir les sols ou de compléments pour la nourriture des animaux. Parmi les nombreux processus développés, j’ai été très intéressée par la poudre qui se fait à partir de larves séchées de mouches soldat élevées dans les excréments des vaches. Il s’agit d’un projet de graduation d’un étudiant de quatrième année (ou PG dans le jargon de l’école).


La zone dite « périurbaine »


Obed m’emmène ensuite vers la zone dédiée à l’agriculture périurbaine. « C’est un espace dédiés aux cultures en villes et périphéries, idéales pour les petits espaces, aux sols pauvres et pour l’autoproduction. La zone a aussi une visée sociale et pédagogique pour tenter d’attirer un public large à cultiver en ville », m’explique-t-il.


L’espace est composé de différents pôles. Nous commençons par le jardin sensoriel. Le but est d’expérimenter les bienfaits des plantes sur nos sens. Ainsi, il faut entrer pieds nus pour sentir les différentes textures de gazon sous nos pieds, des plantes aromatiques ont été disposées le long du chemin pour jouer sur l’odorat. Bien sûr, le visuel n’est pas laissé de côté et tout est harmonieusement dessiné. Outre son but thérapeutique, ce jardin a aussi un but pédagogique et ludique qui permet au public de prêter attention à l’importance des plantes, leur faire découvrir leurs bienfaits par le biais de la thérapie, de la relaxation.


Dans cette zone, on trouve aussi des cultures en aquaponie et en hydroponie. Obed m’explique la nuance : « L’aquaponie mèle pisciculture et plantations pour créer un système circulaire entre les deux : les déjections des poissons donnent des nutriments aux plantes et les plantes permettent de purifier l’eau des poissons. L’hydroponie permet de faire pousser des plantes hors-sol, dans un substrat qui permet de garder l’humidité et qui est ici à base de fibre de coco, d’enveloppes de grains de riz et de charbon ». Ici, différentes manière de faire de l’hydroponie sont testées, plus originales les unes que les autres, à l’instar des « saucissons » que me présente Obed devant mon regard interrogatif avant de préciser : « Ce sont des grands sacs remplis de substrat fibre de coco, enveloppes de grains de riz, charbon, on les perce pour y planter des laitues par exemple et on les suspend en l’air pour qu’elles n’occupent pas d’espace au sol ». Les avantages de cette méthode sont : le prix, car les « saucissons » peuvent être fabriquées à partir de matériel recyclé, la simplicité car ils peuvent être réalisés en quelques heures par n’importe qui, l’esthétique car le côté futuriste attire l’œil et peut générer un intérêt en ville.

Obed me fait remarquer un autre atout de ces pratiques : « Pour moi, cette zone à aussi une visée sociale en permettant de créer de nouveaux modes de production alimentaire, aux rendements immédiats et abondants, avec un sol peu riche. Ces nouvelles techniques peuvent permettre de sauver des vies en cas de crise alimentaire dans un pays en sécheresse par exemple ».


Les autres zones


Après la zone périurbaine, Obed m’emmène vers la zone d’élevage. On y trouve une laiterie et des stables où sont élevés des vaches et des cochons. Il n’y a pas d’abattoir au sein de la Earth, par politique de l’école qui envoie les animaux dans un lieu où ils sont abattus selon des règles strictes pour éviter une souffrance extrême. Ici aussi, on pense de manière circulaire en réutilisant les excréments des animaux, grâce à un bio-digesteur qui permet de transformer le méthane issu des déjections en électricité pour alimenter les machines qui broient les aliments des animaux.


Alors que nous passons de zone en zone à vélo, j’ai l’occasion d’en visiter d’autres, comme la zone ethno-botanique où sont cultivés des plantes qui aujourd’hui ne sont presque plus utilisées, pour ne pas qu’elles se perdent ; la zone d’expérimentation de croisements de plants de bananes et de plantain pour chercher à créer de nouvelles espèces au goût et à la texture différents. Et je sais qu’il existe bien d’autres espaces que nous n’avons pas le temps de visiter en une journée, comme la zone d’agroforesterie par exemple.



Des espaces pour expérimenter de nouveaux types d’agriculture


Ce qui m’a paru vraiment intéressant et particulier, est qu’ici, sont testés de nouveaux types d’agriculture qui sont des alternatives aux monocultures et produits chimiques de l’agriculture conventionnelle. Donner l’opportunité aux étudiants de réfléchir et travailler sur ces nouveaux modèles est un espoir pour que l’agriculture de demain soit plus durable, car comme dit Obed « Je sais que ma formation, l’agronomie, est en grande partie responsable des dégâts causés sur la planète aujourd’hui ».


L’agriculture biointensive


Dans la zone dite périurbaine, j’ai pu admirer l’application des principes de l’agriculture biointensive. Ainsi, les conditions du sol sont améliorées en créant des couches biointensives en alternant matière carbonée, matière organique et compost. Il est possible de réaliser ces couches en profondeur : technique de la double excavation mais aussi en hauteur avec la technique des couches surélevées. L’intérêt de cette méthode est qu’on peut obtenir des rendements importants sur un terrain réduit. Pour quelqu’un qui dispose d’une petite parcelle en ville, pauvre en nutriments, cela est parfait. On peut aussi penser aux personnes voulant réaliser un jardin partagé en ville.

Un autre principe de l’agriculture biointensive que l’on peut mentionner est l’association de cultures comme par exemple ici le piment qui va, par son odeur, repousser les insectes nuisant, plutôt que d’arroser les cultures d’insecticides et par l’occasion d’affecter les sols et tous les organismes qui aident la plante.


Cette agriculture qui requière pragmatisme, ingéniosité peut attirer de nombreuses personnes. Le travail de la terre peut nous pousser à développer une pensée élaborée et nous invite à réfléchir, à penser en une société plus durable. Pour certaines personnes, entrer dans ce monde où tout prend sens, peut être très attrayant.


L'agriculture pranique


Dans la zone intégrale et bio, mon regard a directement été attiré par des plantes disposées en différents cercles de plus en plus grands autour d’un point central. Obed m’explique que la disposition des plantes en forme de mandala permet aux énergies de ne pas s’échapper. Il me demande si je crois au pouvoir des énergies et me confie : « A mon arrivée à la Earth, j’étais dubitatif quand à ce sujet, jusqu’à ce que des professeurs me convainquent par leur niveau de connaissance sur le sujet et leur expérience de terrain que cela marche réellement ». Comme il voit mon air intéressé, il me suggère : « Tu devrais prendre en note le nom qui désigne ce type d’agriculture : l’agriculture pranique, pour aller faire des recherches plus tard. Cela vient de « prana » qui en indien signifie l’énergie cosmique ».

Des pratiques à favoriser, pour entrer en transition




Cette journée a été très inspirante pour moi, parmi les informations reçues, je retiens deux idées pour penser et mettre en œuvre la transition agricole, écologique et citoyenne.


S’inspirer de la nature dans les pratiques agricoles


Avec Obed, nous discutons des limites de l’idée que l’homme peut contraindre la nature à son désir, par exemple user des pesticides et herbicides, où encore produire en monoculture pour augmenter la productivité. Nous voyons bien les conséquences de cette pensée sur l’écosystème, la biodiversité, les sols. Le modèle d’agriculture conventionnelle qui en découle ne peut être durable. Au contraire, l’homme gagne à s’inspirer de la nature en reproduisant ses schémas dans les pratiques agricole. C’est en effet un système qui a prouvé son fonctionnement depuis la nuit des temps (« la nature fait bien les choses »). Cela nécessite un changement de pensée, une compréhension et un respect majeur pour la nature. Obed me fait remarquer par exemple l’absurdité des monocultures que l’on ne verra jamais se former de manière naturelle, au contraire des écosystèmes formés par une grande variété de plantes. « Le problème est l’ego surdimensionné de l’homme » me dit Obed, « il pense qu’il peut passer outre les lois de la nature, jusqu’à se rendre compte des dysfonctionnements que cela peut causer au niveau éco-systémique ».


Construire un nouveau modèle sur les ruine de l’ancien


Ce qui m’a beaucoup intéressée, dans la zone dit périurbaine, c’est la volonté de mettre en avant les intérêts du recyclage. Recycler permet d’économiser en profitant de ce que l’on a à notre disposition et ne pas avoir à acheter de nouveau du plastique. Mais cela permet aussi d’attirer l’œil en étant ludique et coloré, et surtout, de faire passer un message, celui de la métaphore d’un monde en déclin représenté par l’objet réutilisé et le fait que la nature reprend ses droits en poussant et envahissant l’objet en question, qu’elle gagnera toujours, comme une ironie … ou une utopie.


*Vous voulez en savoir plus, lisez les autres articles sur ma visite de la Earth et ma rencontre avec Obed :

– Visite de la Earth University au Costa Rica, une université qui forme les acteurs de l’agriculture de demain (2/3)

– Rencontre avec Obed, étudiant à la Earth University au Costa Rica et échange sur les problématiques et solutions pour une agriculture durable (3/3)

 
 
 

Commentaires


© 2023 by Fashion Diva. Proudly created with Wix.com

bottom of page