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Zsolt, l’enfant rebelle de retour à la (perma)culture

Une unique route de campagne, une cinquantaine de petites maisons colorées éparpillées autour, et de vastes collines boisées en arrière-plan : le village de Dumbravioara, dans le comté de Mures en Roumanie, est typique des paysages transylvaniens et de ses contrastes. Les charrettes tirées par les chevaux ont été interdites des villes, mais dans la campagne, elles empruntent maintenant les mêmes routes que les voitures. Il est tout aussi curieux d’entendre à la fois le vrombissement des bus et les claquements des sabots sur la route, que d’écouter les bribes de conversation des habitués de l’unique pub, et accessoirement unique commerce du village : la majorité y parlent hongrois, mais une oreille attentive peut discerner des exclamations en roumain ou en romani – langue des communautés tziganes. C’est ici que je retrouve Zsolt, lui aussi tout en contraste. L’enfant du pays s’est expatrié à Berlin pendant 6 ans où il s’est improvisé DJ. Il est revenu au foyer familial il y a quelques mois, avec ses tatouages, son allure un peu hipster, et de nouveaux projets. A 29 ans, il a décidé de se lancer dans la permaculture.



Le retour à la terre


Comment revenir au village après avoir connu la vie berlinoise ? La question me trotte dans la tête alors que j’aide Zsolt à planter des oignons et des carottes dans le jardin familial, terrain de son expérimentation permaculturelle. « Berlin, non, ça ne me manque pas, j’en avais assez. C’était toujours la même chose : les soirées, les filles ». Aujourd’hui, il apprécie de retrouver le cadre de vie qui a bercé son enfance. Le silence de la campagne, la plénitude qui se dégage des collines environnantes. « Ce que j’aime le plus, c’est quand je plante quelque chose et que je le vois grandir. Ça change tous les jours. Je vais sortir dans le jardin demain et les plantes seront différentes de ce à quoi elles ressemblaient hier. En fait, c’est un processus. J’aime bien observer ce processus. » Il me montre les différentes parties de son jardin, non sans fierté. Les pigeons qu’il a reçu en cadeau de la part d’amis, le compost, le verger. Une main en visière, il pointe de l’autre un jeune arbre. « Ce noyer, je l’ai planté quand j’étais enfant. Ici, c’est de la vigne, je fais du vin, mais je dois m’améliorer. »


Jeune, pourtant, il n’aurait pas imaginé se lancer dans un tel projet. Ses parents et grands-parents, comme beaucoup de monde à l’époque, cultivaient leurs propres légumes. « Moi je faisais d’autres choses en ville. Je ne les aidais pas au jardin », raconte-t-il. Il étudie pour devenir boulanger, il voyage beaucoup. En Hongrie, au Royaume-Uni, en Allemagne. C’est à Berlin qu’il entend parler pour la première fois de permaculture. « Là, je me suis dit : je veux faire ça. C’est vraiment ce que j’ai ressenti à ce moment-là. Pendant un mois, continue-t-il, j’ai regardé des tutoriels sur youtube. » Quand je lui parle de la ferme du Bec Hellouin, cette micro-ferme en permaculture située en Bretagne, il sourit. Bien sûr qu’il connaît. « Et puis, je suis allé à des ateliers pour en savoir plus, et j’ai récupéré des semences aussi ». Quand son père décède, il rentre en Roumanie, décide d’y rester et de commencer son jardin. Rapidement, il trouve une association locale pour vendre ses légumes sous forme de paniers hebdomadaires, et une communauté qui lui fournit des semences paysannes.


S’essayer à la permaculture en Roumanie : entre tradition et innovation


Dans le petit village de Dumbravioara, tout le monde a son jardin et produit ses propres légumes. Certains vendent, mais pour beaucoup, le lopin de terre leur permet de subvenir à leurs besoins. Ils ont aussi des poules, des oies, entretiennent une diversité d’espèces végétales : l’une des bases du jardin bio-intensif. Mais alors, faire un jardin en permaculture, est-ce si différent de l’agriculture familiale traditionnelle ? « La permaculture, ça peut être très similaire à la manière traditionnelle de cultiver, oui, mais c’est aussi différent d’une certaine manière, m’explique Zsolt. La manière dont mes parents et mes grands-parents cultivaient, c’était de la monoculture. Sur 1m², ils cultivaient seulement une sorte de plante, et dès que les légumes étaient prêts, ils récupéraient tous et laissaient le carré de terre vide. En permaculture, tu laisses quelque chose, des plantes ou des semences retombent sur le sol. Et ça repousse tout seul, comme le basilic ou l’origan. »

En permaculture, il y a aussi une autre règle : pas de pesticides. Ses voisins en utilisent, mais lui a trouvé d’autres solutions : les canards et les oiseaux. « Les canards sont mes pesticides. Ils mangent les limaces et les insectes qui attaquent les légumes et les arbres. Je vais aussi récupérer des poulets. Je peux utiliser leur déjection comme compost pour le jardin. Et grâce au jardin, je peux aussi les nourrir. » En permaculture, tout est utile et tout est utilisé. Mais c’est une science délicate : il s’agit de savoir comment associer les plantes et légumes, et comment s’adapter au climat. En Roumanie, les hivers sont longs et rudes, et le gel peut tout tuer. Les légumes, haricots, herbes aromatiques que Zsolt plante sont donc différents de ce qui est cultivé en Europe de l’ouest, notamment dans les régions méditerranéennes, mais le principe reste le même : « la nature fait tout pour moi» sourit-il. L’étape ultime, c’est celle de la forêt nourricière, dans laquelle les plantes s’entraident elle mêmes pour pousser, sans effort humain.


Zsolt est conscient que la tâche n’est pas aisée. Il essaye, tâtonne. Souvent, il se renseigne sur internet ou demande conseil à ses amis et sa famille. Il est le seul au village à faire de la permaculture, et ses voisins n’y croient pas vraiment. « Ils ne savent pas grand-chose là-dessus. Ils connaissent seulement leur propre manière de faire, et ça leur convient. » Difficile de trouver du soutien de leur part : au contraire, Zsolt doit faire ses preuves. Il espère gagner un peu de crédit à leurs yeux, pour leur montrer que oui, les engrais chimiques ne sont pas une nécessité, et que laisser des « mauvaises » herbes ne signifie pas être un mauvais jardinier. Un défi qu’il est prêt à relever, bien sûr.

Zsolt recherche des wooffeurs et des volontaires pour l’aider.


Vous pouvez le contacter sur le site WOOF Romania ou sur facebook.

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