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Le jardin de l’îlot d’Amaranthes à Lyon : cultiver les urbains en cultivant des légumes

Créé en 2003 avec une vocation artistique et sociale (organisation d’apéros, évènements, rencontres devant la serre), le jardin de l’îlot d’Amaranthes est repris en 2007 par l’association Brin d’Guill. Depuis sa création, celle-ci se donne pour but de revaloriser les espaces urbains délaissés et d’en faire des jardins partagés, sur le modèle des community gardens des grandes villes américaines.


 


Du jardin ouvrier au jardin partagé

Les jardins ont toujours fait partie du paysage urbain lyonnais, mais n’ont pas eu la même fonction. Au XIXème siècle, les jardins ouvriers ont d’abord une visée économique et permettaient aux travailleurs de compléter leurs revenus. Par l’exploitation de petites parcelles, le jardin était une ressource personnelle. Après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte où les premiers systèmes de protection sociale sont mis en place, les jardins ouvriers se sont transformés en des jardins familiaux gérés par des associations dont le but était de mieux organiser l’espace communal et la vie de quartier. On peut encore trouver ce type de jardins à Lyon, où les familles ont accès à des parcelles individuelles pour y produire fruits et légumes.

Les jardins partagés, tels qu’ils naissent dans les années 2000, n’agissent plus exactement dans cette logique nourricière, mais ils ont un objectif qui est plus en accord avec les enjeux actuels.


La protection de l’environnement et la cohésion sociale : les chevaux de bataille des jardins partagés

C’est par l’initiative commune prônée au sein des jardins partagés que la redécouverte de la nature en ville est possible, et permet de (re-)sensibiliser les populations urbaines à l’agriculture. En effet, la vie urbaine tend à oublier les espaces agricoles et leur importance dans la société, autant du point de vue économique que social et environnemental. Si, pour le moment en France, les jardins partagés ne prétendent pas être une alternative durable à la production agricole en crise, en revanche ils permettent de pallier d’autres manques.


Nous avons pu visiter le jardin de l’îlot d’Amaranthes et y rencontrer Rekia, professeur des écoles à la retraite et adhérente à l’association Brin d’Guill : « Ici, l’objectif du jardin n’est pas nourricier, il est didactique. » Le but de l’association est de permettre aux urbains de renouer avec la nature par la compréhension des processus organiques élémentaires. Par exemple, des parcelles sont exclusivement réservées aux enfants des écoles primaires voisines, ce qui leur permet de comprendre d’où vient leur nourriture. En effet, ce n’est pas si évident pour eux ; l’anecdote que nous a donnée Rekia est à la fois amusante et alarmante : « Les enfants de la classe d’un collègue ont du dessiner un poisson : certains ont dessiné un rectangle de poisson pané..! » Il est donc primordial de « garder les pieds sur terre puisque c’est de là que venons. » ponctue-t-elle. Dans ce jardin, la nature reprend ses droits, même les plantes qui n’ont pas été plantées par l’association sont les bienvenues – en témoignent les nombreux pieds de bourrache, mauvaise herbe pourtant aussi reconnue pour ses bienfaits médicinaux.



Un lieu d’expérimentation scientifique et sociale

Sur 633 m², les adhérents sont en train de développer de multiples espèces biologiques. Le jardin des Sylibes, aussi situé sur la place Mazaran, est dédié à la permaculture. Dans cette optique, ils sollicitent les connaissances que chacun peut apporter et font participer divers intervenants, comme un paysagiste de la ville de Lyon ou encore un spécialiste du compostage. La mise en réseau est essentielle. Des formations sont organisées en commun avec d’autres jardins partagés de Lyon : c’est le cas avec les jardins de Camille situé à Jean Macé, ce qui permet un large partage de savoirs-faire variés. Des techniques sont partagées, comme le paillage, la récupération des semences d’une année à l’autre, ou encore la pollinisation grâce à des ruches situées dans le quartier. L’objectif est de montrer, comme le dit Rekia, qu’il est possible de cultiver sans produits chimiques.


Mais le plus important demeure sans doute la volonté de créer les outils d’une nouvelle collaboration sociale, à une époque où l’on déplore l’individualisme des sociétés. Les jardins partagés peuvent être le cadre d’une nouvelle revalorisation des liens sociaux. En se fondant sur la maxime « quand on se connaît, on se reconnaît », Rekia nous explique qu’effectuer un retour à la nature permet de mieux vivre avec soi-même et avec les autres. Faire pousser et utiliser les produits de l’agriculture sont avant tout des moments de convivialité. Des événements sont d’ailleurs organisés régulièrement, par et pour les adhérents mais aussi pour toutes les personnes intéressées. Tous les ans est ainsi organisé un repas commun réalisé avec les produits récoltés : le dernier en date dont se souvient Rekia était de la soupe de potiron, partagée sur la place Mazagran. Rekia raconte aussi, non sans fierté, qu’une des adhérentes a eu l’idée de faire de la confiture de pétales de rose, qu’elle a ensuite partagée avec les autres membres de l’association.


Mais cette initiative a rencontré des difficultés : il a été nécessaire de fermer l’entrée du jardin en raison de dégradations répétitives, et le budget de l’association a été largement réduit il y a deux ans. La ville de Lyon a même voulu mettre fin à l’initiative locale pour récupérer l’espace occupé. Au terme du processus de concertation publique, l’association Brin d’Guill’ est parvenue à maintenir le projet, et un espace de jeu pour enfants a été construit juste à côté, sur la place Mazagran.

L’agriculture de demain commence par de petites initiatives comme celle-là, où la fonction sociale de la production est revalorisée. A la manière du petit colibri dans l’histoire que raconte souvent Pierre Rabhi, les jardins de l’îlot d’Amaranthes « font leur part » à l’échelle du quartier.


Pour plus d’informations : http://www.brindguill.org

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