Rencontre avec Obed, étudiant à la Earth University au Costa Rica et échange sur les problématiques
- Pauline
- 7 mai 2017
- 5 min de lecture
C’est grâce à Obed, un étudiant de seconde année de la Earth que j’ai pu visiter cette université. C’était aussi l’occasion d’échanger pendant une journée sur l’agriculture : les problématiques de soutenabilité qui y sont liées et quelles sont les solutions pour la rendre plus durable. Obed m’a partagé son expérience à la Earth et comment cela l’a aidé à développer une vison pour l’agriculture de demain.

Le parcours de Obed, un parmi tant d’autres
Obed ne vient pas d’une famille d’agriculteurs et après le collège il a travaillé pour un grand groupe financier. Mais il n’était pas heureux. Il a découvert l’agriculture en déménageant de San José à Turrialaba et en travaillant pour un fermier de la zone, il a alors compris que c’était sa voie, sa passion et qu’il voulait rentrer à la Earth University. C’est seulement au bout de la troisième fois qu’il a réussit à y entrer. L’entretien se joue surtout sur la motivation, et Obed a démontré qu’il allait profiter de ces quatre ans pour gagner des connaissances et développer une vision sur la manière d’avoir un impact pour changer les choses au niveau social et environnemental. Il me raconte comment étudier à la Earth l’a aidé à savoir qui il était et à quoi il allait consacrer sa vie. Obed cherche à s’inspirer de mentors, grands leaders du changement, qui sont d’ailleurs affichés dans sa petite chambre d’étudiant dans les dortoirs du campus. On y retrouve Gandhi, le Dalaï-lama, entre autres. Cela lui a permis de connaître la méditation, ce qui a changé sa perception du monde. Il a d’ailleurs pour projet de réaliser son stage de quatrième année auprès de moines bouddhistes pour apprendre de leur sagesse et de leur pratique de la méditation et pour leur enseigner en échange à faire un jardin.
« Moi, je fais partie des extrêmes »
Obed se qualifie d’extrême et pense qu’ils sont 40% dans l’université à être comme lui. Par extrême il entend plus radicale que certains étudiants qui ont une position intermédiaire entre agriculture conventionnelle et la mise en place d’alternatives. L’espace cultivé du campus dans lequel Obed se retrouve le plus est la Finca Integral Orgánica (FIO), ou zone de production bio et intégrale, en français. Obed m’explique qu’il s’agit de celle qu’il préfère car « le défi dans cet espace est de trouver des substituts naturels aux produits chimiques utilisés en agriculture conventionnelle. Cela peut se réaliser en pensant de manière intégrale : pour ne pas avoir à dépendre de l’achat d’intrants extérieurs, il s’agit de penser de manière circulaire en intégrant des éléments naturels disponibles directement sur place, par exemple en transformant les déchets végétaux et les déjections des animaux en intrants pour la terre et pour la nourriture des animaux ».

La vision de Obed pour l’agriculture de demain
Obed me dit « Je veux changer les choses au niveau de mon pays mais aussi au niveau international ». Il continue en me racontant : « Je ressens de façon profonde la souffrance liée à la pauvreté dans le monde, comme la faim. Je pense avoir été doté de cette sensibilité, mais aussi d’un certain charisme pour agir et venir en aide aux populations en situation d’insécurité alimentaire et de risque social ». Selon lui, la solution pourrait être le développement de l’agriculture familiale. Obed m’explique : « Il s’agit de protéger toutes ces familles qui cultivent leur terre de manière durable par essence car elles y sont attachées, savent ce qui est bon pour elle, la respecte, la protège par volonté de la transmettre aux génération futures. En même temps, ils veulent éduquer leurs enfants de la meilleure manière possible, en en faisant des êtres conscients ». Il continue : «L’agriculture familiale à un potentiel énorme pour réduire les dommages causés à la nature par le modèle actuel comme l’appauvrissement des sols, des ressources, la souffrance animale … mais aussi pour réduire la pauvreté et les problématiques qui y sont liées. En effet, les agriculteurs familiaux s’intègrent aux réseaux locaux et régionaux, dépensant leur argent à ce niveau et générant par ce biais des emplois ». Il existe une plateforme de la FAO à ce sujet.
La lucidité de Obed sur la réalité du système en dehors de l’université
Obed me raconte qu’il a pu rester deux mois sans sortir de la Earth, et il est l’un de ceux qui sortent le plus car il est du pays. Mais comme ils ont cours du lundi au samedi, que les semaines sont fatigantes, parfois cela ne vaut pas la peine de sortir le dimanche pour finalement passer la majorité de sa journée dans le bus et à l’attendre. Je lui demande si parfois il n’a pas l’impression de se sentir comme dans une bulle. Obed me confie alors : « Je suis rentré dans une crise existentielle l’an passé. En retournant à San José ou Turrialba pour aller visiter ma famille, mes amis, ou ma copine je me suis rendu compte qu’on n’était plus exactement sur la même longueur d’onde. Je ne supportais plus leur côté superficiel, les activités comme aller au Mall ». Il continue en me racontant le jour où il s’est senti profondément triste en entendant sa tante lui dire qu’elle ne croyait pas au changement climatique. « Je me suis dit que j’étais en train de consacrer sa vie à lutter contre ce à quoi des personnes ne croient même pas ». La méditation et les conseils d’un professeur bouddhiste l’ont aidé à sortir de cette crise. Il sait maintenant que changer les mentalités va être long mais « petit à petit, chaque jours, en commençant par se changer soi-même puis en inspirant d’autres personnes par nos actions, par effet domino, on va réussir à susciter des changements ».
Par ailleurs, Obed est lucide sur le fait qu’à la Earth il peut expérimenter de nouveaux types d’agriculture mais qu’au dehors il est bien plus difficile d’aller à contre courant du système actuel. Il me raconte par exemple : « Lorsque le l’on va faire des formation auprès d’agriculteurs, il est frustrant de leur démontrer les méfaits de l’agriculture chimique et de leur proposer d’autres solutions plus durable quand on sait qu’en même temps le gouvernement va continuer à les aider en leur offrant des sacs de produits chimiques ». Obed a appris aussi à mesurer le poids de la résistance au changement, il se rappelle : « Toutes ses fois où des agriculteurs n’ont pas voulus nous écouter en disant qu’ils ne vont pas changer les principes qu’appliquaient leurs grands-pères depuis des générations ».

*Vous voulez en savoir plus, lisez les autres articles sur ma visite de la Earth et ma rencontre avec Obed :
–Visite de la Earth University au Costa Rica, une université qui sort des sentiers battus de l’agriculture conventionnelle (1/3)
–Visite de la Earth University au Costa Rica, une université qui forme les acteurs de l’agriculture de demain (2/3)
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